François Hollande était à Hirson le 24 avril, à la rencontre des ouvriers d’une usine de pièces automobiles. Fête du travail, pouvoir d’achat, retraites : le candidat a porté un « message de dignité ».
Mes chers amis, dans une campagne présidentielle, il faut savoir se mouiller. Mais ne jamais être trempé ! Je voulais venir une nouvelle fois ici dans l’Aisne. Le maire, Jean-Jacques, rappelait que c’était mon troisième passage ici à Hirson. La première fois, c’était pour la piscine – nous y sommes presque, pas encore ! La deuxième fois, c’était pour le centre jeunesse. Et aujourd’hui, pour visiter cette entreprise qui montre que l’espoir est possible, que lorsqu’il y a une volonté – celle de cadres, des personnels de cette usine –, qu’il y a des financements qui peuvent être apportés – en l’occurrence par la Région – et qu’il y a aussi un territoire qui comporte des hommes et des femmes qui sont prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes, alors oui, nous pouvons nous redresser ensemble. C’est le message que je veux porter dans cette élection présidentielle.
Je viens dans une région, la Picardie, et un département, l’Aisne, qui ont beaucoup souffert de la désindustrialisation, de la perte d’emplois, des fermetures d’usines, de l’abandon de services publics. Et après, on s’étonne qu’il y ait des suffrages qui se portent sur des candidatures qui expriment des colères ? Je veux d’abord dire que si je suis fier d’être ici, c’est parce que le département de l’Aisne m’a mis en tête au soir du scrutin — et je voulais vous remercier. Et ensuite j’entends les cris, les inquiétudes, les angoisses. D’abord, celles que la candidature de Jean-Luc Mélenchon a aussi portées. Et je veux saluer ce qu’il a fait dans cette campagne et qui permet le rassemblement aujourd’hui. Et il y a eu d’autres manifestations – je ne les approuve pas –, de cette inquiétude, de cette angoisse, car c’est une dérive. Ce sont des votes qui, en définitive, ne veulent pas construire. Et en même temps, nous devons les comprendre, sans pour autant les justifier. Quand il y a l’oubli d’un territoire – on me rappelait encore cette Nationale 2, annoncée depuis tant d’années : mais vous n’avez pas de ministre dans le département, vous, qui vous aurait défendus par rapport à cette infrastructure ? Vous en aurez d’autres, des meilleurs ! Oui, quand un territoire ne se sent plus défendu, promu, alors il peut s’abandonner aussi. Quand il y a aussi des entreprises qui ferment l’une après l’autre parce qu’il n’y a pas de soutien de l’activité, parce qu’il n’y a pas la volonté publique de lui apporter des capitaux, quand il y a une agriculture qui souffre, quand il y a des territoires ruraux qui se sentent abandonnés – ah, oui, il peut y avoir à ce moment-là une désespérance. Eh bien mon rôle, ma responsabilité dans cette campagne, ce n’est pas de diviser les Français. C’est de les rassembler ! Les rassembler dans le redressement, dans la justice. Parce qu’ici la justice n’est pas un vain mot. Ici, on n’est pas riche. Ici, on n’est pas des joyeux donateurs d’un candidat à l’élection présidentielle. Ici, ce sont des militants, ce sont des sympathisants, ce sont des citoyens qui n’ont comme richesse que leur seul travail. Et on ne fait pas la différence entre le « vrai travail » et le « faux travail » ! Ici, on travaille. Et quand on ne travaille pas, on veut travailler, on demande du travail. Et celui qui voudrait être le candidat du « vrai travail » a été le candidat du vrai chômage pendant cinq ans ! Cinq ans de montée, hélas continue, du nombre de demandeurs d’emploi – un million –, de la précarité qui s’est élargie, de jeunes qui voudraient tellement travailler et qui n’y parviennent pas, de femmes qui sont condamnées le plus souvent au temps partiel, et puis de tous ceux qui sont dans l’intérim, de ces jeunes qui veulent entrer sur le marché du travail et à qui l’on dit « non, pas tout de suite, plus tard », des séniors que l’on écarte de l’entreprise. Alors moi, ce que je dis, c’est que le rôle d’un président de la République c’est de défendre la valeur du travail, le travail pour tous, la dignité du travail, le travail récompensé, le travail valorisé, le travail rémunéré ! Et s’il y a une fête du travail, c’est pour que tous les travailleurs qui ont une activité ou qui en demandent une puissent se retrouver ensemble pour appeler les pouvoirs publics à leur venir en soutien, et faire en sorte aussi que la dignité soit reconnue à chaque travailleur de France.
Le vote de dimanche dernier est à la fois un vote de colère et de changement. La colère est là par rapport à un quinquennat d’échec, d’injustice, d’incohérence. La colère est là par rapport à une mondialisation sans règles. La colère est là par rapport à une Europe qui n’est qu’annonciatrice d’austérité alors qu’elle devrait être facteur de croissance. La colère est là par rapport à la finance qui voudrait nous dominer. La colère est là par rapport à la politique qui ne permet pas toujours d’avancer, de progresser. La colère est là par rapport à des promesses qui n’ont pas été tenues. Donc il y a une exigence de changement. Et je suis celui qui porte de changement, celui qui doit promettre le changement et celui qui doit réussir le changement. J’ai ce devoir-là, devant vous. J’ai aussi la responsabilité de ne pas vous décevoir. Je ne voudrais pas me retrouver au terme d’un mandat en train de vous demander pardon ou vous demander votre aide. Non ! Je voudrais surtout vous dire que ce que nous avons à faire est plus grand que nous-mêmes.
C’est être capables de nous réunir autour d’un projet qui va nous dépasser nous-mêmes, celui du redressement de notre pays, de son industrie, de son économie, de ses finances publiques, celui de la justice, de la justice fiscale – parce qu’il faudra bien que l’effort soit d’abord appelé vers ceux qui ont le plus et dispensé vers ceux qui ont le moins. Et s’il y a des prélèvements à relever, ce ne sera pas sur tous les Français comme c’est prévu avec la TVA – qui sera écartée –, ce sera sur les revenus du capital, ce sera sur les plus hauts revenus, ce sera sur les plu grandes entreprises. La justice fiscale, ici, on sait ce que cela exige de volonté et de courage !
La justice sociale. Je voyais une responsable syndicale qui va partir en retraite. Quel a été son message ? Que m’a-t-elle dit avant de me dire sa fierté d’avoir été une représentante des salariés d’ici – parce que c’est un dévouement que de servir l’intérêt des salariés, et moi je dis tout mon respect aux organisations syndicales, parce que je pense que c’est finalement ainsi, par l’action syndicale, qu’il y a aussi le service des salariés dans notre pays. Mais qu’il convient de leur donner toujours la responsabilité et l’indépendance. Et le 1er mai, je ne ferai pas de meeting sur la question du travail. Je considère que ce sont d’abord les organisations syndicales qui doivent défiler le 1er mai pour exprimer les revendications des salariés ! Libre aux organisations politiques d’appeler aux manifestations, mais ce sont d’abord aux organisations syndicales de le faire. Et donc que me disait cette responsable ? Elle me disait « ici on travaille en trois-huit. On travaille la nuit. On a commencé tôt sa vie professionnelle ». Elle, elle avait commencé à 14 ans, d’autres à 18 ans. Et donc la justice, ce sera de permettre à celles et ceux qui ont leurs annuités de pouvoir partir à 60 ans !
La justice c’est aussi la justice pour l’accès aux soins – et c’est aussi un élément de la colère qui s’est exprimée, quand des jeunes, des moins jeunes ne peuvent plus aller chez le médecin parce qu’il n’est plus là – déserts médicaux, dépassements d’honoraires, pas de couverture maladie universelle pour tous… Alors on renonce aux soins, ce qui a été l’acquis du programme du Conseil national de la résistance, la protection sociale pour tous ? Eh bien mon devoir, ce sera de permettre que chacune et chacun, quel que soit leur revenu, quelle que soit leur situation sur le territoire puissent avoir le même droit à la santé.
La justice ! La justice territoriale, départements ruraux, départements urbains, banlieues, zones rurales : nous devons avoir tous le même accès aux services publics et d’abord à l’école de la République.
J’entendais une personne qui m’interpellait dès mon arrivée ici en me disant : « Une classe va fermer, les RASED ont été supprimés, le soutien aux élèves le plus en difficulté a été mis en cause ». Eh bien, la première priorité de mon quinquennat, ce sera la jeunesse, ce sera l’école de la République !
Le candidat sortant me dit : « Ça coûte cher, on n’a pas les moyens, 60 000 postes c’est impossible, deux milliards et demi ». J’ai fait mes comptes : lui, il a accordé le bouclier fiscal aux plus favorisés, cela représentait deux milliards et demi, l’équivalent des 60 000 postes. Qu’est ce que l’on préfère, protéger les plus riches ou protéger nos enfants ? J’ai choisi : protéger nos enfants !
Je suis venu tenir un langage d’espoir. Rien ne serait pire que de céder au découragement, au repli, au rejet, à la haine de l’autre. Nous méritons mieux ! Moi, je veux m’adresser à ce qu’il y a de meilleur dans chacun d’entre nous. Chacune et chacun est un atout pour la République. Je ne veux pas distinguer les uns et distinguer les autres. Je ne veux pas diviser, je veux réunir, rassembler. Parce que ce qui doit être la tâche d’un président, c’est de ne pas mettre les Français en confrontation les uns avec les autres, qu’il y ait deux France qui se regardent face à face. Il y a la Gauche, il y a la Droite, sans doute, dans une élection. Et le choix sera fait. Mais nous sommes dans le même destin, dans la même perspective, nous portons le même avenir les uns et les autres.
Je veux vous rassembler. Et je ne veux pas laisser le candidat sortant, sur tout sujet, opposer les Français. D’abord sur l’immigration : ce serait le sujet de l’élection présidentielle ? Il faut la maîtriser, l’immigration. Mais le sujet de l’élection présidentielle, c’est la lutte contre le chômage, c’est le redressement de notre pays, c’est la justice sociale, c’est la capacité de nous relever ! Nous mettre en opposition sur les questions de travail en faisant qu’il y ait d’un côté ceux qui en ont et de l’autre ceux qui n’en ont pas ? On me dit que le Maire de Saint-Quentin a considéré que s’il y avait un vote Front national, c’était à cause du Conseil général, parce qu’il avait développé l’assistance ! Je suis président d’un conseil général. Les prestations que nous versons — et Yves me confirmera cette évidence — sont celles qui sont définies par le législateur. Il faudrait revenir sur l’allocation personnalisée à l’autonomie pour les personnes âgées ? Qui le propose ? Il faudrait revenir sur la prestation compensatrice de handicap par rapport à ceux qui ont été des accidentés de la vie ? Il faudrait revenir sur le RSA, alors que c’est une forme de réinsertion ? A la condition, bien sûr, que nous créions des emplois d’insertion, et pas simplement sept heures ou huit heures pour ceux qui sont prestataires du RSA. Ce que demandent les prestataires du RSA, ce sont des emplois !
Nous n’entrerons pas dans cette logique de confrontation entre les Français. Mais de confrontation avec le candidat sortant, oui ! Il veut un débat, il en veut même trois, je ne sais combien… Il en voulait deux avant le premier tour, il en veut trois après le premier tour… Et combien il en voudra après le second tour ? Ce sera trop tard !
Nous aurons un grand débat, un beau débat, un vrai débat, où nous mettrons tout ce que nous avons sur le cœur, et aussi ce que vous avez envie de lui dire : tant de choses, et surtout au revoir !
Je voulais vous dire — et vous avez vu, pendant que je parle, le ciel s’éclaircit déjà, nous reprenons confiance… — que j’ai entendu les cris de colère. J’ai répondu par un message d’espoir. J’ai senti les risques de la division, de l’éclatement, de la séparation. Je vous adresse un message de rassemblement et de réconciliation. J’ai besoin de tous. J’ai besoin de la Gauche, parce que sans elle je ne suis pas conforme à ma sensibilité, à mon identité. Je suis socialiste. J’ai besoin de toute la Gauche rassemblée. Mais j’ai besoin aussi de tous les Français qui veulent participer à l’élan de demain, au relèvement du pays, à l’espérance que nous avons à créer. Cela va être un grand moment, c’est vrai, cette élection présidentielle, ce second tour. Beaucoup n’ont pas connu — les plus jeunes — ce qui s’était produit en 1981, cette joie immense de voir enfin l’alternance reconnue.
Je veux vous donner cette émotion de voir la Gauche appelée à la responsabilité du pays. Je veux que vous soyez conscients que c’est aussi une immense tâche qui nous attend. Ce ne sera pas facile ! Ne croyez pas que les problèmes vont disparaître avec la Droite qui ne sera plus aux responsabilités du pays. Nous aurons à remettre nos finances en bon ordre, à redonner confiance aux travailleurs, à répondre à toutes les urgences. Nous aurons aussi à réorienter l’Europe. Nous n’avons pas fini ! Et donc, nous devons être réunis, ensemble. Il y a un président qui aura à faire sa tâche. Et puis, il y aura aussi tous les autres pouvoirs à mobiliser : les élus — et il y aura un nouvel acte de décentralisation —, les partenaires sociaux — parce qu’ils devront négocier —, les citoyens, vous, parce que vous devrez aussi prendre votre part. Je salue les associations, je salue toutes les organisations non-gouvernementales, je salue tous les hommes et les femmes qui veulent se dévouer à leur pays. Ils seront appelés au redressement de notre Nation.
Voilà mes amis, c’est un beau moment que nous allons vivre, un grand moment. Je pense que nous allons gagner l’élection présidentielle. Je le sens, le vois, je l’espère, je le veux ! Et ça dépendra de vous, de vous seuls ! Allez convaincre y compris ceux qui n’en peuvent plus. Allez convaincre même ceux qui ont fait un autre vote que le vôtre. Il le faudra bien, parce que nous ne sommes pas encore majoritaires. Allez convaincre de l’utilité de l’engagement, de la politique, de l’acte civique. Allez convaincre sur notre projet. Faites-le sans haine, sans rancune. Faites-le sans revanche. Faites-le pour vous-mêmes, pour vos enfants, pour la République, pour votre pays !
François Hollande à Hirson par francoishollande
Faites-le parce que je veux que cette élection présidentielle soit historique. Elle le sera ! Pas seulement parce que nous aurons tourné la page de cinq ans qui nous ont paru si longs, presque dix. Mais il y a eu dix ans de Droite, en définitive. Nous allons tourner cette page. Ce sera historique surtout parce que nous allons redonner confiance aux Français dans leur avenir. Ce sera historique aussi parce que l’Europe nous regarde, le monde nous regarde. Alors, ils essayent, à Droite, de faire peur : « Attention, les marchés, la spéculation, la finance… ». Déjà, la Bourse aurait perdu deux ou trois points. Mais ce ne sont pas les marchés, ce n’est pas la finance, ce ne sont pas les Bourses qui vont décider à la place du peuple français !
Le plus grand risque que courent la France, l’Europe, ce serait de continuer la même politique, ce serait de poursuivre vers l’austérité pour toujours. Il nous faut du sérieux — oui, du sérieux. Les comptes publics devront être redressés. La dette devra être maîtrisée. C’est notre devoir. Et en même temps, nous mettrons de la croissance, de l’activité, des projets industriels, le renouvellement de nos énergies, les nouvelles technologies. Nous ferons tout cela en Europe et en France. Nous sommes regardés, mais nous sommes espérés partout. Beaucoup disent : « Que vont faire les Français. ? S’ils changent, alors l’Europe changera ! ». Rendez-vous compte de votre propre responsabilité !
Nous allons changer de président, nous allons changer de politique, nous allons changer de majorité, nous allons changer d’Europe et nous serons de nouveau en confiance avec nous-mêmes. Soyez fiers de participer à ce beau combat, celui auquel je vous appelle, non pas contre les autres, contre une partie de la France, mais pour la France tout entière. Soyez fiers parce que la victoire arrive. Et le 6 mai, ce ne sera pas la mienne, ce ne sera pas la vôtre, ce sera celle de la République et ce sera celle de la France !
Merci à tous !