dimanche 15 avril 2012

Hollande réussit son Paris de Vincennes

Publié le 15/04/2012 - Le Nouvel Observateur

Sur l’esplanade du château, le candidat socialiste a réuni la foule des grands jours et n’a pas changé d’un iota sa feuille de route.

Le rassemblement est populaire, le cadre, royal ! A l’aplomb du donjon de 52 mètres édifié au XIVe siècle pour abriter les rois de France en cas de coup dur – et transformé en prison pour les révolutionnaires au XIXe ! -, les bâtisseurs hollandais ont monté une immense scène couverte. L’esplanade du château de Vincennes peut contenir 40 000 spectateurs. A deux heures de l’après-midi, les pèlerins du "redressement dans la justice" sont loin d’être tous parvenus à destination. "Les cars sont bloqués à la Porte Dorée", explique le staff.

La température frisquette et les bourrasques n’incitent guère au pique-nique républicain. Ebouriffées, Najat Vallaud-Belkacem et Aurélie Filippetti, les deux animatrices du "Hollande Tour 2012" tentent de chauffer l’ambiance. Le Bal, orchestre tout terrain de reprises mené par d’alertes quinquagénaires, aligne les tubes. Sous la tente de presse, les meilleurs analystes politiques avalent un sandwich. Ils ne prêtent pas attention aux dédicaces subliminales de la "play-list". "Un mauvais garçon" ? Sarko. "La vie en Rose" ? Solférino. "Johhny B. Goode" : François Hollande !

"Il ne pleut que sur la Concorde"

Le public se déverse par toutes les avenues. Manuel Valls est presque décontracté : "il ne pleut que sur la Concorde !". Najat et Aurélie remercient tous les "people" qui ont fait le déplacement : Alex Baupain, Benjamin Biolay, Guy Bedos, Elisabeth Roudinesco, Valérie Damidot, Gérald Dahan, Olivier Lyon-Caen, Christophe Malavoy, Yves Michaux, Jacques Higelin… Jacob Desvarieux, l’ex-leader de la "Zouk machine" Kassav, monte sur scène. On se croirait revenu en 1988. "Génération Mitterrand" qu’as-tu fait de tes vingt ans ?

Ségolène Royal fait une arrivée de star – anorak bleu ciel et sourire des grands jours - encadrée par sa garde prétorienne de "Désirs d’avenir". "Je serai vigilante sur la parole qui est donnée et sur la volonté d’associer les Français aux décisions qui les concernent", déclare-t-elle avant de s’offrir un bon bain de foule. Lionel Jospin, lui a rejoint directement le carré VIP. Toutes les huiles sont debout, comme le peuple. Pas de champagne, ni de toast aux œufs de lompe !

"Vous êtes plus de 100 000 !"

Le soleil paraît. Aurélie Filippetti fait ses comptes : "On me donne un chiffre. Vous êtes plus de 100 000 !" Clameur. L’esplanade est submergée et la foule envahit les allées du bois. Le pupitre "Le changement, c’est maintenant" est avancé. Bertrand Delanoë, l’hôte de la jamboree, se lance dans une des philippiques sinusoïdales dont il est le seul à détenir le secret de fabrication. "Oui, le peuple de France veut gouverner à gauche avec François Hollande." En attendant, dans les baraques de l’esplanade, la merguez est à 5 euros et la bière à 4 euros ! La grande marionnette de la justice, amenée par les comédiens d’Ariane Mnouchkine, agite son glaive au pied du podium.

Hollande sort de sa tente où il a sucé des bonbons au miel. Son fils Thomas l’embrasse. Il est temps de délivrer le message du jour : Sarkozy a commencé en avance pour s’imposer sur les chaînes d’infos. Hollande démarre moderato. "J’imagine demain le bonheur qui pourrait être le notre si nous y parvenons vous et moi, le 6 mai", dit hollande. "Déjà le soleil luit. Il ne chauffe pas encore." Cela ne saurait tarder. Hollande qui a promis d’inverser la courbe du chômage se sent capable de redresser aussi celle des températures. Les pans de sa veste battent au vent.

"Nous sommes à Paris car c’est notre capitale qui symbolise la Révolution française", dit le candidat qui situe toujours ses propos sur la carte. "Je sens monter et vous aussi un grand espoir." "Jusqu’au bout je vous le promets, j’irai chercher tous ces électeurs pour les sortir de leur doute et pour construire fièrement leur avenir".

Mitterrand dans le texte

Hollande cite Mitterrand qui écrivait il y a 31 ans jours pour jour : "candidat des socialistes, je suis aussi le seul candidat de gauche qui soit en mesure de l’emporter et je serai fort dans le premier tour pour conduire le changement". Et le fondateur du PS demandait aux Français de lui donner "tous les moyens de gagner cette élection présidentielle." Comme Hollande ! Tout pareil !

Le couplet contre Sarkozy est bref. "En appeler à la peur, c’est déjà battre en retraite." Le sortant est aux abois. "Il convoque la majorité silencieuse à sa rescousse." Mais Hollande constate qu’à ses pieds, le peuple de Vincennes, est uni.

"Aujourd’hui, je suis prêt à vous représenter au second tour". Hollande ne brûle pas les étapes. "On va gagner !", chante la foule. Un rayon de soleil : "ça se réchauffe. Même en haut, ils nous écoutent", risque Hollande l’agnostique.

"Soyez les plus nombreux. Décidez de votre avenir"

"L’appel que je lance n’est pas simplement le rejet du candidat sortant, c’est de porter un projet pour la France." Le tonnerre gronde. "C’est le souffle de la jeunesse", prophétise Hollande. Il expose les grandes lignes de son programme. Création de postes dans l’éducation, séparation des activités bancaires, réforme fiscale banque publique d’investissement, respect des partenaires sociaux : l’esprit festif se perd… Hollande parle-t-il pour les caméras de télévision ou pour son immense public ?

Les spectateurs les plus prévoyants repartent déjà vers les bus. "L’enjeu, c’est la République", s’époumone Hollande qui feuillette son agenda du changement. "C’est quand la gauche rencontre l’histoire de notre pays qu’elle réalise de grandes choses." Le discours tourne au florilège de ses allocutions. A quand les œuvres complètes reliées ? "Je serai le président de la cohérence."

Hollande rend hommage au drapeau qui ne doit pas flotter que dans les stades mais aussi dans les écoles, sur les centres de recherche et au fronton des institutions européennes. "Ce qui compte c’est d’être les plus nombreux. Soyez les plus nombreux. Décidez de votre avenir." Les cordes vocales du candidat se transforme en tuyaux de poêle. "La victoire pour la France la désirez-vous ?" La foule hurle. Alors la victoire ce sera le 6 mai pour la France et la République. Je vous le dis, rien ne nous arrêtera." Le vent emporte la Marseillaise…